Résumé
Il faut prendre au sérieux l’interpellation de Tim Berners-Lee sur une science du web. Les humanités numériques, à condition de dialoguer étroitement avec les disciplines informatiques, pourraient être le creuset d’une réflexion véritablement transversale et interdisciplinaire sur le web.
Dans cette perspective, le web peut être analysé comme un média en émergence en tension entre deux pôles : information et communication. Tension qui se décline sur les dialectiques publication/conversation et signe/signal et qui donne lieu à des résolutions ou pose encore des défis que l’on peut lire au travers de la distinction pédauquienne forme-texte-médium.
Cette tension se concrétise notamment par, l’intégration dans le document d’une dimension temporelle affirmée. Celle-ci remet en cause les pratiques professionnelles de l’archivistique. Elle touche toutes les étapes de la vie du document et bouleverse sa notion même. Dès lors, on peut s’interroger pour savoir si un critère de sa définition ne serait pas une stabilité, même relative, que l’on peut repérer dans les réponses à une requête.
Même récent, le web a une histoire. Pour ses concepteurs, nous sommes aujourd’hui, après le web des documents, à l’étape du web de données qui est à la fois la réalisation pratique et une évolution de l’idée d’un web sémantique, lancée par T. Berners-Lee en 2001. Il est difficile de raisonner globalement sur le web comme un système à base de connaissance à cause de problèmes de cohérence ou encore de confiance, il est plus facile d’articuler des unités d’information élémentaires comme des données, moins dépendantes du contexte interprétatif. Dès lors, un effort est proposé pour rendre les données accessibles et les lier grâce à un langage commun. Deux pistes se poursuivent en parallèle : celle du web sémantique originel, mais réservé à des domaines limités et structurés, celle du web de données sur un web ouvert. Et malgré la difficulté d’échapper aux visions partielles, la couche de données apparaît de plus en plus comme une couche faisant la relation entre le web traditionnel et le web logique.
L’ensemble de ces éléments sont portés par un récit, une ou des utopies, qu’il faudrait mieux analyser et dont il faudrait mieux percevoir les effets et se concrétise par l’émergence d’une nouvelle profession, les architectes de l’information.
- Roger II Pédauque, Le web sous tensions